Gemena, 24 septembre 2025. La tension monte dans la province du Sud-ubangi où une affaire aux allures de scandale financier éclate au grand jour. Au cœur d'une polémique : la banque Afriland, principale institution officielle en charge de la paie des enseignants dans la région.
Accusée de complicité dans un système de détournement organisé des salaires des fonctionnaires, elle fait désormais face à une vague d'indignation populaire. Le lanceur d'alerte du moment, Papy Bembiade n'est pas un inconnu : acteur politique engagé et secrétaire exécutif du parti ECIDE de Martin Fayulu dans le Sud-ubangi, prend la tête de cette dénonciation publique.
Dans une province enclavée où les enseignants vivent dans des conditions socio-économiques difficiles, il est devenu courant que ces derniers contractent des crédits auprès des prêteurs informels pour survivre jusqu'à à la paie du prochain mois. Mais la situation a dégénéré.
« L'enseignant prend un crédit auprès d'un particulier, en attendant son salaire. Le jour de la paie, c'est ce même particulier qui retire directement son argent à la banque, sans mandat, sans signature du titulaire, parfois même avant que L'enseignant ne sache qu'il est payé », explique Papy Bembiade.
Ce système repose sur une pratique mafieuse bien huilée : la vente des bordereaux de retrait à 5 000 voire 10 000 Francs congolais, orchestrée par certains agents internes à la banque Afriland. Ces derniers coopéreraient avec les créanciers privés, pour permettre des retraits en dehors de tout cadre légal.
Selon plusieurs témoignages recueillis dans les villes de Gemena, Zongo et dans les territoires environnants, les retraits se font sans vérification d'identité.
« Il suffit de connaître seulement le code du compte et d'avoir un complice à l'intérieur de la banque, et le tour est joué », affirme un des syndicalistes du secteur de l'éducation.
Pire encore, aucune enquête sérieuse n'a été ouverte par la justice locale, malgré les plaintes répétées des victimes.
« Le système judiciaire du Sud-ubangi semble sourd face à cette injustice flagrante. Aucun dossier n'avance, aucune sanction n'est prise. C'est une impunité qui nourrit la colère et la frustration des enseignants », déplore Bembiade.
Connu pour ses prises de position tranchée, le secrétaire exécutif de l'ECIDE ne mâche pas ses mots. Pour lui, Afriland est devenue une "banque lambaire déguisée, complice d'appauvrissement des enseignants".
« On ne peut pas continuer de confier les salaires de nos fonctionnaires à une institution qui favorise ce type de pratique », se donne-t-il.
Face à la gravité des accusations, aucune réaction officielle n'a encore été enregistrée du côté direction nationale d'Afriland First bank ni des autorités provinciales. Un mutisme qui renforce l'hypothèse d'une complicité multidimentionnelle.
Dans une province déjà fragilisée par le sous-développement et la faiblesse de l'administration, ce nouveau scandale met en lumière la faillite du système bancaire congolais dans certaines régions et la nécessité de réformer la chaîne de paiement public, afin de garantir la justice salariale et la dignité des enseignants souvent marginalisés à cause de leur propre droit.
Blaise ABITA ETAMBE
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